Mon mari m’a quittée pour une autre après 42 ans de mariage

Anne, 64 ans, vit un cauchemar. Après des années de mariage, son mari a refait sa vie avec une autre. Elle qui n’imaginait pas son avenir sans lui doit apprendre à vivre seule. Par Cédric Choukroun (Nous Deux n°3467, décembre 2013)

Anne pense qu’elle ne pourra jamais faire le deuil de son amour pour Pierre. Qu’en pensez-vous ?
Plutôt que de deuil, je préfère parler de renoncement. Anne a confié son estime d’elle-même à Pierre en tant qu’épouse, mère et maîtresse de maison… Elle pense que, maintenant qu’il n’est plus là, elle n’a plus aucune valeur, mais bien sûr, c’est totalement faux !

Elle va donc pouvoir tirer un trait sur toute cette histoire…
Non, elle ne pourra pas effacer un homme qui a tant compté, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne retrouvera pas la joie de vivre. Mais oui, on peut très bien refaire sa vie à 64 ans ! Il faut qu’elle se redresse, au physique comme au moral, et qu\’elle puisse se dire : « Oui, je suis encore quelqu’un de bien qui mérite d’être aimée ! »

Quels conseils lui donner pour l’aider à se reconstruire ?
D’abord, se construire un nouveau réseau social est indispensable, pourquoi pas en faisant du bénévolat, comme elle l’avait suggéré à son mari, ou en s’engageant dans une association. Ensuite, il me semble important qu’elle ait recours à une aide thérapeutique auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue. Et, si elle n’a plus d’attache dans sa ville, elle pourrait déménager pour se rapprocher de son fils ou de sa mère.

Avoir le dernier mot, coûte que coûte

Qu’ils aient tort ou raison, clouer le bec à l’autre est pour eux vital. Que cache ce besoin irrépressible d’imposer son point de vue ? Par Viviane Menétrey (MigrosMagazine.ch, avril 2013)

(…) une volonté de l’emporter sur l’autre loin d’être anodine et qui cache en réalité un manque de confiance en soi. «C’est un mécanisme de défense qui permet de couper court à la conversation sans aller plus loin dans l’argumentation, une façon de signifier que l’on a raison sans avoir à s’en expliquer, résume la psychanalyste française Nelly Jolivet

Je veux toujours avoir le dernier mot

Arguments solides ou mauvaise foi, ils ont raison quoi qu’il arrive ! Que cache cette volonté de dominer l’autre et comment lâcher prise ? Par Aurore Aimelet (Psychologies, mars 2013)

J’ai peur de l’erreur.

La psychanalyste Nelly Jolivet observe que cette insistance se manifeste dans certaines relations plutôt que d’autres. « Face à quelqu’un dont il nous semble dépendre – affectivement, financièrement -, nous pensons que nous n’avons pas droit à l’erreur, explique-t-elle. Si notre conjoint, patron, confident s’aperçoit de notre fragilité, nous risquons, croyons-nous, de le décevoir ou, pire, de le perdre. » Lorsque la relation est surinvestie et que le lien est vital; il y a urgence à se montrer infaillible. « Peut-être a-t-on souffert qu’une figure parentale – un père, une marraine, un professeur – ne nous reconnaisse pas assez dans notre identité malgré nos efforts, nos attentes, nos besoins ? » interroge la psychanlayste. Que la défaillance soit avérée ou imaginée, si l’enfant se sent invalidé par celui dont il dépend, comment peut-il survivre ? C’est cette lointaine blessure, qui, parfois, se réactive au présent dans nos relations d’adultes. Et qui nous empêche de lacher prise.

Devenir comédienne

Rêve d’adolescente, désir de se transformer à l’infini en endossant des rôles multiples, envie d’être aimée, quête de soi… On choisit ce métier pour une tonne de raisons qui, parfois, nous échappent. Éclairage de spécialiste. Recueilli par Joséphine Lebard (Muze, février 2009)

Comment expliquer qu’à l’adolescence de nombreuses jeunes filles rêvent de devenir comédiennes ?
À 15-16 ans, les jeunes filles se trouvent à un moment charnière de leur vie. On va notamment commencer à les interroger sur ce qu’elles veulent faire plus tard. Pour un garçon qui a de l’ambition, c’est assez évident de l’entendre répondre qu’il va faire une école d’ingénieurs, par exemple. Les filles, elles, sont les héritières d’une histoire générationnelle de femmes, d’un passé qui veut que les femmes ne travaillent pas forcément et d’un destin anatomique qui les destine à la maternité. Donc pour une jeune ambitieuse, il n’est pas toujours aisé de savoir comment réussir. Elle va alors rechercher l’image de quelqu’un qui serait l’idéal d’elle-même. C’est ce que peut représenter une comédienne, mais aussi une écrivaine, une artiste : une catégorie de personnes épanouies, à l’aise dans leur genre sexuel. Alors que la jeune fille s’interroge sur ce que le devenir féminin implique, elle prend pour modèle des femmes qui ont choisi une voie leur permettant de s’exprimer tout en libérant leur féminité. Rêver de devenir comédienne relève souvent de l’identification à un modèle qui attire la sympathie, l’admiration et l’unanimité. Être véritablement aimable.

Dans le film Le Bal des Actrices, Maïwenn Le Besco évoque «le besoin d’amour inouï qu’ont les actrices». Ont-elles vraiment besoin plus que d’autres d’être aimées ?
Ce serait difficile de faire des généralités. Mais souvent, pour contreblancer leur timidité, les comédiens en général choisissent – plus ou moins consciemment – d’eprimer quelque chose d’eux-mêmes à travers un personnage. C’est leur façon de s’ouvrir au monde. Être comédien, c’est agiter un miroir devant les autres afin qu’ils vous disent quelque chose de vous-même, une manière d’exister dans le regard de l’autre, des autres, et enfin aux yeux du monde. Sans doute est-ce là qu’il y a un besoin insatiable de reconnaissance et une demande d’amour.

Éxiste-t-il un profil psychologique type de la comédienne ?
Là encore, il convient de ne pas généraliser. Toutefois, on peut trouver des racines communes. Jouer la comédie, c’est finalement vouloir prolonger le jeu de l’enfance, celui ou règne le conditionnel avec ses fameux «on dirait que». Être comédienne, c’est aussi dire «je» de manière tres forte puisque c’est, d’une part, un métier où il faut s’accrocher, d’autre part une quête de soi à travers l’autre.

En même temps, être comédienne, c’est aussi fuir la réalité puisqu’on choisit tous les jours d’être quelqu’un d’autre… D’abord, je ne suis pas sûre qu’on «choisisse» d’être comédienne… Ensuite, ce terme de fuite ne me convient pas. On pourrait dire cela si la comédienne jouait à partir d’émotions qui ne viendraient pas d’elle. Mais, dans sa technique, l’actrice glisse des faits de son histoire personelle qui ont pu être mal digérés… Dès lors, jouer devient une manière de se réparer soi mais aussi de panser le monde en le distrayant. Pour un être humain, c’est quand même un fabuleux destin que de faire rêver les autres ! Le temps d’un instant, on devient magique !

Mais comment faire la différence entre le désir réel de devenir comédienne et la simple soif de célébrité ?
Je ne suis pas sûre que, lorsqu’on a 18-20 ans, il soit souhaitable de la faire. En effet si on essaie de répondre à cette question à 20 ans et qu’on se rend compte qu’effectivement c’est la célébrité qui nous attire, c’est profondément déséspérant ! Cela revient à admettre que l’on souhaite être une «chose» : n’importe quoi pourvu que l’on soit célèbre. Mieux vaut confronter sa vocation à la réalité du métier.

Dire merci : je n’y arrive pas parce que je ne suis jamais comblé

Exprimer sa reconnaissance n’est pas toujours facile. Comment faire lorsque les mots nous manquent ou que l’émotion nous paralyse ? Par Aurore Aimelet (Psychologies, décembre 2008)

« Nous ne pouvons faire preuve de gratitude que lorsque nous avons été nourri dans l’enfance de façon satisfaisante. Que la défaillance de nos parents ait été réelle ou fantasmée, si nous avons l’impression de ne pas avoir reçu notre \ »dû\ », alors un manque subsiste en nous que l’autre, quoi qu’il fasse, ne peut jamais combler. A l’inverse, ce qui ont reçu plus que ce dont ils avaient besoin, plus que leur dû, ont également du mal à éprouver de la reconnaissance. Le geste de l’autre ne représente pas quelque chose en plus : il est normal. »

Une piste de changement : «Si nous ne savons jamais véritablement dire merci, ni à soi, ni à l’autre, ni même à la vie, et que nous en souffrons, une thérapie permettra de mieux comprendre ce qui s’est joué dans l’enfance, propose Nelly Jolivet. Si la gène est ponctuelle, devant une personne en particulier, il faut s’interroger sur la nature de la relation qui nous unit à elle. Et mettre au clair nos projections. ». Le cadeau de notre conjoint nous trouble ? Et si, inconsciemment, nous attendions de lui qu’il comble nos désirs les plus secrets ? Le compliment d’une collègue nous met mal à l’aise ? Et si, sans le savoir, une colère non formulée nous faisait refuser d’être en lien avec elle ? La prise de conscience est un premier pas décisif dans l’apprentissage de la gratitude sincère et consciente.

Que cachent nos sensations de «déjà vu» ?

Je suis déjà venu ici, j’ai déjà vécu ce moment, j’ai déjà vu cette personne… Nous avons tous connu cette étrange sensation. Jeu de la mémoire, de l’inconscient ou de nos émotions : comment expliquer ces impressions passagères ? Par Sylvain Michelet (Psychologies, avril 2008)

Un souvenir refoulé

Freud lui-même ne résiste pas à cet appel, et trouve au déjà vu une place dans sa grille de lecture. Mais ce n’est rien d’autre à ses yeux que la remontée incomplète d’un souvenir refoulé, cachant un traumatisme ou un désir inacceptable pour le Surmoi. « En ce qui concerne les quelques rares et rapides sensations de déjà vu que j’ai éprouvées moi-même, ajoute Freud, (…) il s’agissait chaque fois du réveil de conceptions et de projets imaginaires (inconnus et inconscients) qui correspondait, chez moi, au désir d’obtenir une amélioration de ma situation. » (3)

Comme le rêve, le déjà vu serait une expression de nos désirs secrets ? « C’est la raison de son « inquiétante étrangeté », estime la psychanalyste Nelly Jolivet : cette confrontation entre familiarité et surprise signale que l’on touche à de l’interdit. »

(3) Freud, Psychopathologie de la vie quotidienne, ch 12 (Payot, 1975)

Pourquoi sommes-nous entourés de cons ?

Qui n’a pas, quotidiennement, l’occasion de dire – sinon de penser très fort – «Quel con !» ? À les entendre, certains ne semblent même fréquenter que des imbéciles… Mais que dit-on vraiment quand on traite l’autre ainsi ? Par Anne-Laure Gannac (Psychologies, février 2008)

Embouteillages. Soudain, un coupé rouge nous fait une queue-de-poisson et poursuit sa route en se faufilant entre les voitures: «Le con !» La réaction est instinctive.

«Quand on juge autrui, ce n’est pas tant de lui que l’on parle que de soi, affirme la psychanalyste Nelly Jolivet. «Quel con !» signifie: Moi, si j’avais été à sa place, j’aurais agi différemment». Je n’aurais pas doublé tout le monde, je n’aurais pas renversé le vase, je n’aurais pas fait cette réflexion… Le «con» vient heurter notre conscience morale. Si nous nous interdisons de faire des queues-de-poisson, celui qui ose met à l’épreuve nos censures intérieures et, du coup, notre désir inconscient de désobéir aux règles de la morale. D’où l’insulte, comme pour dire: «Il fait ce que je ne veux pas faire parce que cela me culpabiliserait…» Mais qu’elle jouissance ce doit être de passer sous le nez de tout le monde !»

Qui est le «con» ?

Du latin cunnus, «vulve», le «con» désigne à l’origine le sexe féminin… C’est au XIXe siècle que le terme devient insulte, pour désigner les individus jugés passifs et impuissants… tel un sexe de femme! Quand on traite autrui de con, c’est donc qu’«on le dit-femme, on le diffame», pour citer Jacques Lacan (dans «Le Séminaire, Livre XX, Encore» (1972-1973), Ed. du Seuil).

Je pleure pour un rien

Une sensibilité à fleur de peau, un débordement d’émotions, des larmes qui montent trop vite pour pouvoir être retenues… D’où vient cette hyperémotivité ? Et comment faire pour qu’elle ne soit pas un handicap ? Par Olivia Benhamou (Psychologies, janvier 2008)

(…) Selon la psychanalyste Nelly Jolivet, «cette réactivité émotionelle ramène à la petite enfance. C’est la manifestation d’un défaut dans la formation de notre réalité psychique, insuffisament stabilisée». Pour construire sa propre identité, le bébé a besoin à la fois d’être consolé lorsqu’il souffre et d’être inité et d’être inité à la frustration pour faire l’expérience de sa capacité à satisfaire ses propres besoins. «S’il est surprotégé ou si, au contraire, il éprouve une carence affective, le bébé grandira dans la dépendance, incapable de se construire comme un individu autonome et de mettre des mots sur ses propres émotions. C’est ce qui explique que, à l’age adulte, certains d’entre nous continuent de pleurer; parce qu’ils sont incapables de verbaliser leur ressenti.»

Que faire ?

(…) «Apprenez à verbaliser l’émotion, cela aide à la canaliser. Si vous avez le sentiment de ne plus être crédible aux yeux des autres, d’être infantilisé et dévalorisé par vos larmes, il faut essayer de prendre un peu de distance par rapport à l’émotion, en mettant des mots sur ce qui est étouffé par les pleurs. Cela vous aidera à comprendre ce qui vous touche et pourquoi cela vous touche à ce point. Si vous n’y arrivez pas seul, l’aide d’un thérapeute peut se révéler précieuse.»

Le psy : une relation particulière

Intenses et changeants, les liens que nous tissons avec notre thérapeute sont uniques en leur genre. Éclairage. Par Laurence Lemoine (Psychologies, novembre 2006)

Le transfert : une rencontre sur la scène de l’inconscient

(…) Côté psy, l’alchimie opère de la même manière sur un ressenti très subjectif. « Mon choix de travailler avec un patient, indique Nelly Jolivet, psychanalyste et psychothérapeute, procède de ma conviction de pouvoir répondre à sa souffrance particulière, pour des raisons qui ne tiennent pas seulement à ma formation, mais aussi aux raisons intimes pour lesquelles je fais ce métier. Quelque chose entre en résonance, dans ce qu’il est et ce que je suis, qui va permettre l’amorce d’une relation thérapeutique. » Cette résonance au-delà des mots, sur la scène de l’inconscient, Freud en a rendu compte en élaborant les concepts de « transfert » et de « contre-transfert ». « Le transfert, explique la psychanalyste, c’est ce processus par lequel, sans s’en rendre compte, le patient me met à la place des différentes personnes qui ont compté dans son histoire. Il revit alors avec moi des émotions du passé et, par contrecoup, me fait éprouver un certain nombre d’affects qui constituent mon contre-transfert. » Inévitable, ce phénomène est justement ce qui permet à la cure de progresser, « à condition que le psy ne soit pas dupe des sentiments dont il est le support et qu’il permette au patient de s’appuyer sur le transfert pour progresser ».

Le cadre : un retour au réel

(…) Le cadre, et en particulier le fait de payer ses séances, « est absolument indispensable pour éviter toute confusion quant à la nature de la relation qui se noue, assure Nelly Jolivet. Le psy n’est pas un substitut parental, même s’il peut être mis à cette place dans le transfert. Il n’est pas un ami, même s’il peut tout entendre, y compris des choses que les amis eux-mêmes ne sauront jamais ». Loin d’être un directeur de conscience ou un pourvoyeur de conseils, il apporte avant tout l’écoute attentive et le soutien dont nous avons parfois besoin pour accéder à notre propre vérité et devenir pleinement acteur de notre vie.

La fin : une relation éphémère

Dès lors, la relation thérapeutique est vouée à cesser. Et en cela encore, elle est à nulle autre pareille. « Dans son aboutissement, elle se sèvre d’elle-même lorsque le patient devient capable de voler de ses propres ailes ; et le psy de lui donner du champ sans en être angoissé », indique Nelly Jolivet.