Mon rêve au banc d’essai

Nos désirs cachés apparaissent-ils vraiment dans nos rêves ? Notre journaliste a soumis un même songe à trois thérapeutes d’écoles différentes. Sous leurs regards se dévoilent les multiples sens cachés d’un même scénario. Par Laurence Lemoine (Psychologies, juin 2006)

Première séquence. Je suis dans une cave en pierre, une belle cave voûtée à l’éclairage chaleureux. Toute l’équipe de Psychologies est réunie pour un stage de développement personnel. L’animatrice nous invite à nous déplacer dans la pièce et à nous arrêter « là où nous nous heurtons ». J’avance vers la sortie de la cave. Je me heurte à mon patron. Je comprends que cette collision me désigne comme le sujet de l’expérience qui va suivre. Je me retrouve allongée sur une table. Mes collègues sont rassemblés autour de moi. L’animatrice, telle une guérisseuse, passe sa main au-dessus de mon corps. Au moment où elle survole mon ventre, mon ovaire frémit. Je pense : « Pourvu que personne ne le remarque. »

Deuxième séquence. Je suis dans une cave en pierre, cette fois sombre, humide. Je me vois devant moi. J’ai les traits de Kate, un personnage de la série télévisée Lost. J’avance vers moi, le long d’un couloir bordé de portes. Je dis : « I was a bad person », et je sais qu’en ouvrant la porte devant laquelle je m’arrête, cette affirmation va se vérifier. A ce moment, je suis ballottée comme sur une monture au galop. On me lance un gros sac, qui se divise en trois. J’en pose un devant moi, sur l’encolure de mon cheval, un autre derrière, je ne sais pas quoi faire du troisième. A force d’être secouée, je suis projetée dans les airs.

Troisième séquence. Je vole au-dessus d’une terre dévastée. Il fait nuit. Je vole très haut dans le ciel. J’ai terriblement peur. Je gémis. Loin en dessous, je vois des collines mutilées par la guerre, des ruines encore fumantes. Je ne veux plus avoir peur, je veux reprendre le contrôle de mon vol, de mon rêve, retrouver des terres et des visages amis. J’essaie de plonger vers le sol.

Quatrième séquence. Je suis dans une pièce gaie et accueillante. Je pense : « Je suis chez nous. » Les murs sont décorés de photos de famille. Ma mère apparaît sur ma droite, elle porte un cadeau. Elle le donne à « la petite » qui surgit à gauche d’une pièce attenante. « La petite » ouvre le paquet et découvre la layette tricotée par ma mère. Je m’extasie sur la beauté du cadeau et m’exclame : « Je suis jalouse ! » Mais j’accepte l’idée que « c’est son tour à présent ». Fin du rêve.

Rêve éveillé :
Je décrypte mes déplacements

Mardi matin. Je rencontre Nelly Jolivet pour une séance de rêve éveillé. Elle m’explique : « Robert Desoille, le fondateur de la méthode, a découvert que les images motrices du rêve – de bas en haut, de gauche à droite, d’avant en arrière… – disaient quelque chose des mouvements de l’inconscient. » Je reprends les séquences de mon rêve en prêtant attention à mes déplacements.

Première scène, j’essaie de sortir de la cave, je me « heurte » à mon patron, puis je m’allonge… « Manifestement, j’essaie de me dérober à la mission qui m’est confiée – parler de moi dans un article – mais je me soumets à la hiérarchie », dis-je, pas fière de moi.

Deuxième séquence : « C’est bizarre, ici je me dédouble. Je suis à la fois celle qui regarde la scène et celle qui, sous les traits de Kate, avance vers moi. » Nelly émet une hypothèse : « Vous êtes face à vous-même, comme devant un miroir. Ce passage parle peut-être de vous sous le regard des autres et sous votre propre jugement : allez-vous révéler ce qui, croyez-vous, fait de vous une bad person ? ».

Troisième séquence, je m’envole. Nelly m’interroge : « Décrivez-moi votre vol. Que ressentez-vous ? » « J’ai été propulsée. Je n’ai pas le contrôle de ce vol et j’ai peur. » Je m’interroge : peur qu’on me vole ? Possible. Nelly dit : « Vous pouvez reprendre les commandes. » J’interprète : je ne suis pas obligée de tout raconter. Je me sens rassurée.

Quatrième séquence. Je décris : « Celle que j’appelle “la petite” surgit de la gauche. Mais moi, j’ai une grande sœur. A droite, ma mère lui tend un cadeau. » Nelly m’explique : « Il est fréquent que la gauche, dans un rêve, représente le passé, tandis que la droite figure l’avenir. Repensez à cette porte que Kate va ouvrir sur le côté droit du couloir. Elle prend une décision, se met face au lendemain. Ici, il me semble que vous êtes la petite et la mère. Ce rêve vous autorise le passage de l’un à l’autre. » L’interprétation me parle.

La force de l’abandon

Importée d’Inde à la fin des années 1970, en plein essor aujourd’hui, la notion de lâcher-prise va à l’encontre de nos diktats de performance. Mieux la comprendre, c’est aborder chaque moment de la vie avec davantage de souplesse. Par Pascale Senk (Psychologies, février 2005)

Renoncer à la toute-puissance

Pour la psychanalyse – qui, dans sa théorie, ignore ce terme et parle plutôt de renoncement –, lâcher prise n’est d’ailleurs pas accessible à tout le monde. « Celui qui n’a pas un espace interne suffisamment construit, explique Nelly Jolivet, psychanalyste, celui qui, pour des raisons liées à son enfance, à ce qu’il a vécu au stade archaïque, lorsqu’il était bébé, n’arrive jamais à être suffisamment rassuré pour renoncer à sa volonté de toute-puissance, celui-là y aura difficilement accès. »

Bonne nouvelle cependant : dans la cure analytique, de petits lâcher-prise réguliers peuvent mener à une certaine transformation de la personnalité. « C’est, de séance en séance, la levée chez le patient de certaines résistances, la dissolution d’une trop grande rigidité… Cela grâce à la confiance gagnée peu à peu dans le lien entre analyste et analysant, et qui rejaillit dans le quotidien de ce dernier », poursuit la psychanalyste.

Des petits renoncements actifs, des mini-abandons proposés aussi dans des techniques psychocorporelles et qui aident à construire davantage de confiance en soi pour se préparer aussi aux plus grands lâcher-prise que nous enseigne la vie : l’orgasme, la gestation et la naissance qui nous traversent le corps, le deuil de ceux que nous aimons, notre propre mort… Combien de sauts dans le vide !

Hommes-Femmes

Avons-nous sacrifié nos différences au nom de l’égalité entre les sexes ? Aujourd’hui, hommes et femmes découvrent que, pour mieux vivre ensemble, chacun doit réaffirmer sa propre identité. Par Pascale Senk (Psychologies, novembre 2001)

(…) Nelly Jolivet, une psychologue de 42 ans qui a été initiée dans un groupe de femmes du Midwest, aux Etats-Unis (5), explique : « A ce moment de ma vie, les rôles étaient un peu chamboulés dans notre couple : c’était moi qui ramenais l’argent au foyer, tandis que mon compagnon s’occupait de notre fils… Tout à coup, j’ai ressenti un intense besoin de me reconnecter à quelque chose d’intemporel et de sacré, qui était passé de ma grand-mère maternelle à ma mère, puis à moi. Je voulais aller à l’essence féminine… Le groupe m’a aidée en cela. »

(5) Woman Within : transitionseurope.com