Qui n’a pas, quotidiennement, l’occasion de dire – sinon de penser très fort – «Quel con !» ? À les entendre, certains ne semblent même fréquenter que des imbéciles… Mais que dit-on vraiment quand on traite l’autre ainsi ? Par Anne-Laure Gannac (Psychologies, février 2008)
Embouteillages. Soudain, un coupé rouge nous fait une queue-de-poisson et poursuit sa route en se faufilant entre les voitures: «Le con !» La réaction est instinctive.
«Quand on juge autrui, ce n’est pas tant de lui que l’on parle que de soi, affirme la psychanalyste Nelly Jolivet. «Quel con !» signifie: Moi, si j’avais été à sa place, j’aurais agi différemment». Je n’aurais pas doublé tout le monde, je n’aurais pas renversé le vase, je n’aurais pas fait cette réflexion… Le «con» vient heurter notre conscience morale. Si nous nous interdisons de faire des queues-de-poisson, celui qui ose met à l’épreuve nos censures intérieures et, du coup, notre désir inconscient de désobéir aux règles de la morale. D’où l’insulte, comme pour dire: «Il fait ce que je ne veux pas faire parce que cela me culpabiliserait…» Mais qu’elle jouissance ce doit être de passer sous le nez de tout le monde !»
Qui est le «con» ?
Du latin cunnus, «vulve», le «con» désigne à l’origine le sexe féminin… C’est au XIXe siècle que le terme devient insulte, pour désigner les individus jugés passifs et impuissants… tel un sexe de femme! Quand on traite autrui de con, c’est donc qu’«on le dit-femme, on le diffame», pour citer Jacques Lacan (dans «Le Séminaire, Livre XX, Encore» (1972-1973), Ed. du Seuil).