Rêve d’adolescente, désir de se transformer à l’infini en endossant des rôles multiples, envie d’être aimée, quête de soi… On choisit ce métier pour une tonne de raisons qui, parfois, nous échappent. Éclairage de spécialiste. Recueilli par Joséphine Lebard (Muze, février 2009)
Comment expliquer qu’à l’adolescence de nombreuses jeunes filles rêvent de devenir comédiennes ?
À 15-16 ans, les jeunes filles se trouvent à un moment charnière de leur vie. On va notamment commencer à les interroger sur ce qu’elles veulent faire plus tard. Pour un garçon qui a de l’ambition, c’est assez évident de l’entendre répondre qu’il va faire une école d’ingénieurs, par exemple. Les filles, elles, sont les héritières d’une histoire générationnelle de femmes, d’un passé qui veut que les femmes ne travaillent pas forcément et d’un destin anatomique qui les destine à la maternité. Donc pour une jeune ambitieuse, il n’est pas toujours aisé de savoir comment réussir. Elle va alors rechercher l’image de quelqu’un qui serait l’idéal d’elle-même. C’est ce que peut représenter une comédienne, mais aussi une écrivaine, une artiste : une catégorie de personnes épanouies, à l’aise dans leur genre sexuel. Alors que la jeune fille s’interroge sur ce que le devenir féminin implique, elle prend pour modèle des femmes qui ont choisi une voie leur permettant de s’exprimer tout en libérant leur féminité. Rêver de devenir comédienne relève souvent de l’identification à un modèle qui attire la sympathie, l’admiration et l’unanimité. Être véritablement aimable.
Dans le film Le Bal des Actrices, Maïwenn Le Besco évoque «le besoin d’amour inouï qu’ont les actrices». Ont-elles vraiment besoin plus que d’autres d’être aimées ?
Ce serait difficile de faire des généralités. Mais souvent, pour contreblancer leur timidité, les comédiens en général choisissent – plus ou moins consciemment – d’eprimer quelque chose d’eux-mêmes à travers un personnage. C’est leur façon de s’ouvrir au monde. Être comédien, c’est agiter un miroir devant les autres afin qu’ils vous disent quelque chose de vous-même, une manière d’exister dans le regard de l’autre, des autres, et enfin aux yeux du monde. Sans doute est-ce là qu’il y a un besoin insatiable de reconnaissance et une demande d’amour.
Éxiste-t-il un profil psychologique type de la comédienne ?
Là encore, il convient de ne pas généraliser. Toutefois, on peut trouver des racines communes. Jouer la comédie, c’est finalement vouloir prolonger le jeu de l’enfance, celui ou règne le conditionnel avec ses fameux «on dirait que». Être comédienne, c’est aussi dire «je» de manière tres forte puisque c’est, d’une part, un métier où il faut s’accrocher, d’autre part une quête de soi à travers l’autre.
En même temps, être comédienne, c’est aussi fuir la réalité puisqu’on choisit tous les jours d’être quelqu’un d’autre… D’abord, je ne suis pas sûre qu’on «choisisse» d’être comédienne… Ensuite, ce terme de fuite ne me convient pas. On pourrait dire cela si la comédienne jouait à partir d’émotions qui ne viendraient pas d’elle. Mais, dans sa technique, l’actrice glisse des faits de son histoire personelle qui ont pu être mal digérés… Dès lors, jouer devient une manière de se réparer soi mais aussi de panser le monde en le distrayant. Pour un être humain, c’est quand même un fabuleux destin que de faire rêver les autres ! Le temps d’un instant, on devient magique !
Mais comment faire la différence entre le désir réel de devenir comédienne et la simple soif de célébrité ?
Je ne suis pas sûre que, lorsqu’on a 18-20 ans, il soit souhaitable de la faire. En effet si on essaie de répondre à cette question à 20 ans et qu’on se rend compte qu’effectivement c’est la célébrité qui nous attire, c’est profondément déséspérant ! Cela revient à admettre que l’on souhaite être une «chose» : n’importe quoi pourvu que l’on soit célèbre. Mieux vaut confronter sa vocation à la réalité du métier.